lunes, 24 de febrero de 2014

le début de la gloire 


 Le théâtre du Petit-Bourbon





En 1658, Monsieur a 18 ans. Il faut lui donner un train de vie digne du frère d’un grand roi. On lui achète le château de Saint-Cloud. Il doit avoir une troupe de théâtre. Ce sera celle de Molière. On offre à la troupe la gratuité du théâtre du Petit-Bourbon, une salle vaste et bien équipée, en alternance avec la troupe italienne deScaramouche. Les Italiens jouent les « jours ordinaires de comédie », la troupe de Molière les « jours extraordinaires », soit les lundi, mercredi, jeudi et samedi. Durant l'été, les Italiens retournent dans leur pays, d'où ils ne reviendront que près de deux mois plus tard : désormais, Molière et ses compagnons peuvent jouer les jours ordinaires, comme toutes les autres troupes.




Pendant dix mois, la troupe fait alterner des pièces anciennes — tragédies de Corneille surtout ainsi que de Rotrou et de Tristan l'Hermite, comédies de Scarron — avec ses deux premières comédies L'Étourdi et Le Dépit amoureux, qui étaient des nouveautés pour le public parisien. Selon La Grange, les recettes rapportées par ces deux pièces auraient été excellentes entre novembre et le relâche de Pâques. Mais à la reprise, les recettes ne sont plus très brillantes, malgré l'arrivée du célèbre Jodelet. Le 18 novembre 1659, Molière crée sa première pièce parisienne, Les Précieuses Ridicules, dans laquelle il joue Mascarille. Cette petite comédie en un acte, destinée au départ à être jouée après une tragédie et qui fait la satire du snobisme et des jargons de l’époque, remporte un très grand succès et crée un effet de mode : le sujet est copié et repris. Molière imprime sa pièce à la hâte parce qu’on tente de la lui voler. Il y ajoute une préface plutôt provocante car il aime la satire. C’est la première fois qu’il publie, il a désormais le statut d’auteur.


Plusieurs personnages de marque, tels des ministres et même Monsieur le Prince, invitent Molière à faire jouer sa pièce chez eux. De retour de la frontière espagnole où il est allé épouser l'Infante d'Espagne Marie-Thérèse et attendant au château de Vincennes de faire son entrée solennelle à Paris avec la jeune reine,Louis XIV voit les Précieuses le 29 juillet 1660, puis le 31 sa nouvelle pièce, Sganarelle ou le cocu imaginaire (4e pièce de Molière, qui joue Sganarelle), petite comédie en un acte reposant sur une suite de quiproquos. Les recettes de celle-ci n’atteignent pas les sommets de la précédente, toute la Cour étant à Saint-Jean-de-Luz pour le mariage du roi, au moment de la création de la pièce, mais il la jouera 123 fois dans son théâtre, plus souvent qu’aucune de ses autres pièces, tandis que les Précieuses, jouées 55 fois, ne le seront plus par sa troupe après 1661.


Molière a le vent en poupe. Grâce à ses propres pièces, car les tragédies qu'il donne, y compris celles de Corneille n'ont pas grand succès. Thomas Corneille reprochera dès lors à la troupe de Molière de mal jouer la tragédie et ce sera l'attitude constante des ennemis de Molière : il est incapable de jouer correctement la tragédie, il ne réussit que dans des genres inférieurs auprès de la partie des spectateurs la moins valable. En 1660, ses comédies constituent pour la première fois plus de la moitié des pièces jouées (110 sur 183). La troupe reçoit maintenant souvent des gratifications de la part du roi, ce qui compense le fait que la pension de 300 livres promise par Monsieur n'a jamais été versée, ainsi que le La Grange écrit au début de son Registre.


Le 6 avril 1660, le frère cadet de Molière meurt. La charge de tapissier valet de chambre du roi lui revient de nouveau. Il la gardera jusqu'à sa mort. Elle impliquait qu'il se trouve chaque matin au lever du roi, un trimestre par an. Dans son acte d'inhumation, il sera dit « Jean-Baptiste Poquelin de Molière, tapissier, valet de chambre du roi », sans autre qualification : à cette époque, la charge était prestigieuse, alors que le métier de comédien ne l'était pas.


Le 11 octobre 1660, la troupe se trouve brusquement à la rue. On démolit le théâtre du Petit-Bourbon pour bâtir la colonnade du Louvre. Mais Molière n’est pas en disgrâce. Le 21, le roi l’invite pour jouer l’Etourdi et les Précieuses. Le 26, il rejoue les mêmes pièces chez le cardinal Mazarin malade en présence du roi, qui lui attribue une nouvelle salle appartenant à la couronne, et donc gratuite elle aussi, celle du Palais-Royal.






 Le théâtre du Palais-Royal




Le théâtre, construit par le cardinal Richelieu vingt ans plus tôt, est délabré ; la salle doit être refaite. Philippe d'Orléans convainc le Roi de la restaurer et de l'attribuer à la troupe de Molière. Après des travaux effectués sous la direction d’Antoine de Ratabon, surintendant général des bâtiments, elle rouvre le 20 janvier 1661. Le 4 février, Molière donne une nouvelle pièce, une tragi-comédieDom Garcie, où il joue le rôle principal. Devant être arrêtée après seulement sept représentations, c’est un échec qui le ramène définitivement, comme auteur, sur le terrain de la comédie. Voltaire dans sa Vie de Molière dit qu'il « avait une volubilité dans la voix et une espèce de hoquet qui ne pouvait convenir au genre sérieux, mais qui rendait son jeu comique plus plaisant ». Son débit parlé n'était donc pas fluide. Ses expériences dans le genre sérieux lui ont été le plus souvent néfastes.


Fin avril 1661, après les trois semaines de fermeture impérative de Pâques, on entame la nouvelle saison avec des reprises. Molière continue de mêler comédies et tragédies. La troupe compte maintenant sept acteurs et cinq actrices : Molière, les trois Béjart, les couples De Brie, Du Parc et Du Croisy, plus l’Epi et Lagrange. Molière demande deux parts au lieu d’une dans le partage, jusque là égalitaire, de la recette. La troupe accepte, mais précise que s’il se marie avec une actrice, le ménage n’aura que deux parts.




 Le 24 juin 1661, une nouvelle comédie en trois actes, L'École des maris (6e pièce de Molière, qui joue Sganarelle) est un succès. Succès qui amène le surintendant Fouquet à commander une pièce pour une fête qu’il organise pour le roi dans son château de Vaux-le-Vicomte. C’est la première fois que Molière crée une pièce pour la cour. Connaissant le goût de Louis XIV pour les ballets, il crée un nouveau genre, la comédie-ballet, intégrant comédie, musique et danse : les entrées de ballet sont placées au début et dans les entractes de la comédie et ont le même sujet. Le 17 août 1661, Les Fâcheux sont un succès. Le roi ayant observé qu’un fâcheux auquel Molière n’avait pas pensé méritait sa place dans la galerie, Molière modifie rapidement le contenu de sa pièce. C’est un tournant décisif pour lui : il a attiré l’attention de Louis XIV.


Le 4 septembre, Les Fâcheux sont donnés au théâtre du Palais-Royal avec « ballets, violons, musique » et en faisant « jouer des machines ». Les recettes montent en flèche. Fin décembre, le roi vient voir la pièce dans son adaptation parisienne. La saison est une des meilleures de la troupe. Les recettes viennent essentiellement des représentations publiques (90 % des bénéfices). Le roi n’a rien donné cette année-là. La troupe peut vivre de son seul public parisien : « Son succès, Molière le doit beaucoup à ceux qui viennent le voir jouer au Palais-Royal, un peu aux personnalités qui l’ont invité, nullement à Louis XIV. C’est sur sa réussite à Paris que s’est greffée l’invitation de Fouquet à Vaux-le-Vicomte et, par contrecoup, un début d’intérêt du roi

miércoles, 5 de febrero de 2014

 

Origine du pseudonyme « Moliere »

C'est dans l'acte d'embauche du danseur, en juin 1644, que Jean-Baptiste Poquelin signe simplement « De Moliere » (sans accent), prenant pour la première fois son nom de théâtre. « Jamais il n'en a voulu dire la raison, même à ses meilleurs amis », écrivit en 1705, son premier (et très peu fiable) biographe Grimarest11. Depuis le XIXe siècle, les biographes pensent que ce pseudonyme a pu être choisi en l’honneur de l’écrivain libertin François de Molière (1599–1624) ou du musicien Louis de Mollier qui a publié en 1640 des Chansons pour danser. Depuis le XXe siècle, les historiens du théâtre font remarquer que la presque totalité des acteurs prenaient alors des noms référant à des fiefs imaginaires, tous champêtres : le sieur de Bellerose, le sieur de Montfleury, le sieur de Montdory, le sieur de Floridor, le sieur de Champmeslé — désignés au théâtre comme Bellerose, Montfleury, Montdory, Floridor, Champmeslé — et qu'il existe en France des dizaines de lieux-dits, appelés tantôt Meulière, tantôt Molière, servant à désigner des sites sur lesquels se trouvaient des carrières de pierres à meule. Il paraît donc très probable que Molière ait suivi leur exemple en choisissant à son tour un fief campagnard imaginaire, ce qui explique sans doute qu'il ait commencé par signer « De Molière » et qu'il soit ensuite régulièrement désigné comme « le sieur de Molière ».



Plaque commémorant l'emplacement du jeu de paume des Métayers à ParisDes débuts difficiles

L'Illustre Théâtre

À 21 ans, Molière s’engage dans la carrière théâtrale. Le 30 juin 1643, par devant notaire, il s’associe avec les trois Béjart Joseph,l’aîné, et ses sœurs Madeleine, 25 ans, qui va partager sa carrière et sa vie, et Geneviève, 19 ans) et quelques amis, la plupart « fils de famille » comme lui, en tout six hommes et quatre femmes, pour constituer une nouvelle troupe de comédiens, « l’Illustre Théâtre ». C’est la troisième à Paris, après les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne et ceux de « la troupe du roi au Marais », à laquelle Pierre Corneille donnait toutes ses pièces depuis 1629.
Molière avait renoncé à la charge de tapissier du roi. Son père, qui devait trouver l’aventure collective hasardeuse, accepte néanmoins de l’émanciper, car il n’avait pas 25 ans. Molière reçoit en outre un faible acompte de 630 livres sur l’héritage maternel.
La nouvelle troupe s’installe au jeu de paume des Métayers sur la rive gauche au faubourg Saint-Germain (actuellement 10-12 rue Mazarine). Pendant les travaux d'aménagement, qui durèrent d'octobre à décembre 1643, la troupe joue dans divers jeux de paume et fait un séjour d'au moins trois semaines à Rouen, qui disposait de deux jeux de paume aménagés en théâtre et où se rendaient constamment des troupes de comédiens. Son répertoire est constitué majoritairement, semble-t-il, de tragédies et de tragi-comédies. Tallemant des Réaux écrit vers 1658, avant le grand succès des Précieuses ridicules : « Je ne l'ai jamais vu jouer, mais on dit que c'est la meilleure actrice de toutes. Elle a joué à Paris, mais ç'a été dans une troisième troupe qui n'y fut que quelque temps. Son chef-d'œuvre, c'était le personnage d'Épicaris à qui Néron venait de faire donner la question », faisant ainsi allusion à la pièce de Tristan l'Hermite, La Mort de Sénèque, créée par la troupe en 1644. Il ne sait pas encore grand chose de Molière : « Un garçon, nommé Molière, quitta les bancs de la Sorbonne pour la suivre ; il en fut longtemps amoureux, donnait des avis à la troupe, et enfin s'en mit et l'épousa ».
 
Salle du Théâtre du Marais
Malheureusement, en octobre, le théâtre du Marais, entièrement reconstruit et doté d'une salle magnifique équipée de « machines » nouvelles, attire de nouveau le public, et il semble que la salle des Métayers ait alors commencé à se vider. C'est ce qui explique la décision, en décembre 1644, de déménager sur la rive droite au jeu de paume de la Croix-Noire (actuel 32, quai des Célestins), plus près des autres théâtres. Molière est seul à signer le désistement du bail, preuve qu'il en est bien devenu le chef. Malheureusement, ce déménagement vient accroître les dettes de la troupe — les investissements initiaux de location et aménagement du local, puis d'aménagement d'un nouveau local, ont été coûteux et les engagements financiers pèsent lourd par rapport aux recettes — et, à partir de 1645, les créanciers entament des poursuites. Molière est emprisonné pour dettes au Châtelet en août 1645, mais peut se tirer d’affaire grâce à l'aide de son père. À l’automne 1645, il quitte Paris en direction de Nantes avec les restes de la troupe, qui se fond bientôt dans la troupe du duc d'Épernon, dirigée par Charles Dufresne.

Illustration d'un double au jeu de paume (1772)